La Cour de cassation étend le préjudice d’anxiété
Par un arrêt du 11 septembre 2019 (n° 17-18311 et alii) la chambre sociale de la Cour de cassation a étendu le préjudice d’anxiété à tout salarié exposé à une substance nocive ou toxique.
La décision d’assemblée plénière du 5 avril 2019 rendue au sujet de l’amiante (n°18-17442) et le commentaire accompagnant l’arrêt nous laissaient présager cette évolution.
Dans ce nouvel arrêt et au visa des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la Cour a posé la règle suivante :
« 5. En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. »
Pour rejeter la demande de salariés, la cour d’appel avait considéré que le préjudice d’anxiété n’était admissible qu’en cas d’exposition à l’amiante et que les attestations portant sur le caractère défectueux et insuffisant du matériel de protection (points 8 et 9) « ne pouvaient être reliés directement à la situation concrète de chaque salarié demandeur en fonction des différents postes successivement occupés par eux. ».
Elle avait également retenu qu’il était démontré que l’employeur avait pris toutes mesures nécessaires de protection, tant individuelle que collective, et également d’information.
A tort selon les Hauts Magistrats : « En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que l’employeur démontrait qu’il avait effectivement mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d’appel, qui devait rechercher si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur telles que définies aux paragraphes 3 et 4 étaient réunies, n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Néanmoins, pourront être exonérés les employeurs « justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés. »
La difficulté est que ces textes sont remarquablement flous, puisqu’ils visent l’obligation de sécurité et ainsi que les principes généraux de prévention et que personne ne sait, par exemple, si le fait de respecter les prescriptions réglementaires dans l’usage d’un produit suffira, si ce produit s’avère ultérieurement toxique.
Par ailleurs la notion de « substance » permettra –t-elle d’inclure l’exposition à d’autres facteurs de risques comme le ondes, par exemple sonores ou magnétiques ?
La Cour devra préciser son analyse, le risque d’une casuistique infernale n’étant pas écarté.
Afin d’éviter au maximum un risque de poursuite, l’employeur devra de se référer aux dispositions de l’article L 4161-1 du code du travail qui définit les facteurs de risques (même si ce texte en vise d’autres facteurs que les « substances », tels que fumées, températures etc…) ainsi qu’aux articles réglementaires relatifs aux équipements de protection, à la prévention des risques d’exposition notamment chimiques et biologiques et dressera la liste des postes à risque.
En outre, le document d’évaluation des risques devra être à jour, tout comme l’ensemble des notes de services et d’utilisation de tout équipement et matériel qu’il conviendra de vérifier.
L’employeur n’oubliera pas de présenter au CSE le bilan de santé et sécurité au travail, les mesures de préventions prises et se conformera à la fiche d’entreprise du service de santé au travail.