Nullité du licenciement : la Cour de cassation perd de vue le sens commun.

Une salariée engagée en CDD par la société Lidl est licenciée pour faute grave alors qu’elle se trouve en état de grossesse.

Elle a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester la faute grave, solliciter la nullité de son licenciement.

Dans ce cadre, elle n’a pas demandé sa réintégration mais des dommages et intérêts, et aussi le paiement des salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité.  

Les juges du fond ont accueilli cette demande et l’employeur a intenté un pourvoi, estimant qu’elle n’avait pas droit à ces rappels de salaire pendant la période de protection, seule l’allocation de dommages et intérêts pouvant être ordonnée.

En effet, en principe, la conséquence de la nullité est : la réintégration ou l’indemnisation.

Pourtant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en s’appuyant sur le droit européen.

Elle s’est fondée sur l’article 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 qui interdit le licenciement d’une salariée en état de grossesse, ainsi que l’article 18 de la directive 2006/54/CE qui exige des Etats qu’ils prennent des mesures, afin que le préjudice causé par une discrimination a raison du sexe soit réparé ou indemnisé « de manière dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi. ».

Elle a, enfin, utilisé la jurisprudence de la CJUE selon laquelle si la situation d’égalité ne peut être rétablie faute de réintégration, alors elle doit l’être par une réparation pécuniaire qui doit compenser intégralement les préjudices subis (CJCE, arrêt du 2 août 1993, Marshall, C-271/91, point 25 ; 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C-407/14, points 32 et 33).

Puis par un tour de passe-passe dont elle a le secret, la Cour de cassation a interprété l’article L. 1235-3-1 du code du travail avec ces dispositions européennes, considérant qu’outre l’indemnité de licenciement, la salariée a droit, en application de l’article L 1225-71 du même code, au paiement des salaires pendant la période couverte par la nullité.

Or l’article L. 1225-71 précité dispose juste que l’inobservation des dispositions des articles protecteurs de la femme en état de grossesse peut donner lieu à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1.

Ce dernier article énonce seulement que le salarié qui ne demande pas sa réintégration en cas de nullité se voit octroyer une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des 6 derniers mois.

Il n’est aucunement prévu le paiement des salaires pendant la période de protection !

Il est à craindre malheureusement que cette analyse ne s’étende à d’autres cas de nullité, sachant que depuis la mise en œuvre du barème Macron, il n’y a pratiquement plus une procédure qui ne vise pas une telle nullité.

(Cass. soc., 6 nov. 2024 n°23-14.706)

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