Accord de performance collective et licenciement du salarié protégé
Pour la première fois, la ministre du travail s’est prononcée sur le bien fondé du licenciement pour motif «sui generis » d’un salarié protégé ayant refusé la modification de son contrat de travail issue d’un accord de performance collective conclu au sein de l’entreprise, par les OS représentatives dans le cadre de l’article L. 2254-2 du code du Travail.
Saisie d’un recours hiérarchique à l’encontre de la décision de refus d’autorisation de l’inspecteur du travail, la ministre annule celle-ci et procède à un contrôle dit « restreint », voire formel, de l’accord, dont elle analyse l’objectif ainsi que les modalités de conclusions.
En l’espèce, elle se fonde notamment sur le préambule (dont on voit l’importance afin de déterminer l’objectif commun des parties) et vérifie qu’il a été conclu selon les règles qui l’encadrent, fussent-elles succinctes. Celles-ci respectées, elle le considère comme valable.
Extrait de la décision DGT n° 2018-1117457, bureau du statut protecteur, 13 juin 2019 (in Semaine sociale Lamy n°1876 du 30 septembre 2019) :
«(…) Considérant, s’agissant de l’application de l’accord de performance collective, ce qui suit :
- afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver ou de développer l’emploi, un accord de performance collective peut aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération (…) ;
- en l’espèce, l’accord de performance collective conclu le 27 août 2018 définit dans un préambule les objectifs assignés ; ledit préambule expose, de manière précise et circonstanciée, que la décision gouvernementale de supprimer, dès la rentrée de septembre 2018, le concours d’entrée aux Instituts de Soins Infirmiers, dont la SAS…. assurait la préparation annuelle, a eu des conséquences sur le volume d’activité, le programme pédagogique des formations ainsi que sur le volume horaire de travail et la rémunération du personnel enseignant et de surveillance ; l’accord de performance collective a donc été conclu en vue d’ajuster les volumes horaires des salariés de l’entreprise et de maintenir l’emploi au titre de l’année universitaire 2018/2019 ;
- l’accord de performance collective du 27 août 2018 a été signé par les deux organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise – la CFDT et la CGT –, les signataires de l’accord ayant été dûment habilitées à cet effet ; en conséquence [il], remplit les conditions de validité énoncées à l’article L. 2232-12 du Code du travail ;
- il résulte de tout ce qui précède qu’en l’absence d’action en nullité de l’accord collectif, engagée dans le délai de deux mois à compter de sa notification, prévue par l’article L. 2262-14 du Code du travail, ledit accord de performance collective est régulièrement entré en vigueur au sein de la SAS, le 29 août 2018 ;
Considérant, s’agissant de la modification du contrat de travail, ce qui suit :
- les stipulations de l’accord de performance collective se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ; le salarié peut alors refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord, en sorte que ce refus est un motif spécifique de licenciement, constituant une cause réelle et sérieuse ;
- Madame X., signataire de l’accord de performance collective pour le compte de la CGT, a refusé par coupon réponse en date du 17 septembre 2018, la modification de son contrat de travail ; en conséquence, est établie la réalité du motif spécifique prévu par l’article L. 2254-2 du code du travail justifiant le licenciement ; (….) ».