La loi marché du travail du 21 décembre 2022 prévoit une mesure prise par décret d’application, aux termes de laquelle les employeurs de salariés en CDD ou les entreprises utilisatrices d’intérimaires doivent informer France Travail des refus de ces salariés d’une proposition de CDI (Décret n°2023-1307 du 28 décembre 2023).

Ce refus permet  à France Travail de priver le salarié de ses allocations de retour à l’emploi.

Plusieurs syndicats ont saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir, estimant que ce décret portait une atteinte au droit des salariés de choisir librement leur employeur.

Dans le cadre de ce recours, ils ont posé une QPC concernant la conformité à la constitution des articles L 1243-11-1 et L. 1251- 33-1 du code du travail organisant la procédure d’information de France Travail.

Dans sa décision du 24 juin 2024 le Conseil d’État a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel en soulignant que ces articles :

  • « se bornent à faire obligation, dans certaines conditions, à l’employeur d’un salarié en contrat à durée déterminée ou à l’entreprise utilisatrice d’un salarié en contrat de mission qui propose à ce salarié un contrat à durée indéterminée, de notifier à Pôle emploi le refus de cette proposition par le salarié.
  • Bien qu’un tel refus de la part de ce dernier puisse par ailleurs avoir pour conséquence (…) qu’il ne pourra se voir ouvrir le bénéfice de l’allocation d’assurance, l’obligation de notification qui incombe à l’employeur est, par elle-même, sans effet sur les droits du salarié.
  •  Le syndicat requérant ne peut donc utilement soutenir que les deux articles législatifs contestés (…) méconnaîtraient l’égalité des salariés devant la loi ou porteraient une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre ou à la liberté contractuelle des salariés. ».

Reste à savoir ce que décidera le Conseil d’État quant à la légalité du décret attaqué.

(CE 24 juillet 2024, n°492249)

Selon la Cour de cassation, le CSE n’a pas pour mission de représenter en justice le personnel, ni les intérêts généraux de la profession.

Pour exercer les pouvoirs de la partie civile, le CSE doit démontrer un préjudice personnel, directement lié aux infractions poursuivies.

Dans une affaire du 25 juin 2024, la Cour de cassation a cassé une décision d’appel qui avait accepté la constitution de partie civile du CSE.

La Cour a rappelé que le droit d’exercer l’action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel, strictement encadré par les dispositions légales.

Ainsi, même si le harcèlement moral affecte les conditions de travail, cela ne suffit pas pour que le CSE puisse se constituer partie civile. Cette décision souligne l’importance de respecter les limites légales en matière de représentation en justice.

(Cass. crim., 25 juin 2024, nº 23-83.613)

Saisie d’une demande afin de savoir si l’on peut retenir un préjudice automatique en cas de violation des règles relatives au travail de nuit, comme en cas de dépassement des durées maximales de travail et si l’article 9 §1 de la directive 2003/38 est d’effet direct, la CJUE a répondu par la négative.

Selon la CJUE la directive 2003/88 ne comporte aucune disposition en ce qui concerne les sanctions applicables en cas de violation des prescriptions qu’elle édicte en la matière, ni aucune règle particulière en ce qui concerne la réparation du dommage éventuellement subi par les travailleurs en raison d’une telle violation (arrêt du 25 novembre 2010, Fuß, C‑429/09, EU:C:2010:717, point 44).

Il appartient aux juridictions nationales de fixer les modalités des actions destinées à assurer la sauvegarde des droits des salariés et en particulier les conditions dans lesquelles un travailleur peut obtenir réparation en raison des violations des règles relatives au suivi médical du travail de nuit.

La CJUE conclut : « Compte tenu de la fonction compensatoire du droit à réparation en l’occurrence prévu par le droit national applicable, il y a lieu de considérer qu’une réparation intégrale du préjudice effectivement subi suffit (….), sans qu’il soit nécessaire d’imposer à l’employeur le versement de dommages et intérêts punitifs. »

 A cet égard, l’article 9 de la directive énonce qu’« il est important » que les travailleurs de nuit bénéficient d’une « évaluation gratuite de leur santé » préalablement à leur affectation et à intervalles réguliers par la suite et que, « s’ils souffrent de problèmes de santé », ils soient transférés, « dans la mesure du possible », au travail de jour.

Partant, l’absence de visite médicale devant précéder l’affectation à un travail de nuit et de suivi médical régulier consécutif à cette affectation n’engendre pas « inévitablement une atteinte à la santé du travailleur concerné ni, dès lors, un dommage réparable dans le chef de celui-ci. »

La survenance éventuelle d’un tel dommage est, en effet, notamment fonction de la situation de santé propre à chaque travailleur.

(CJUE, 20 juin 2024, n° C-367/23)

Dans le cadre d’une UES comprenant 17 comités d’établissement (CE) et concernant plus de 80 000 salariés, le comité d’établissement Service communication aux entreprises (SCE) et le comité d’établissement Orange France siège (OFS) étaient en charge de la gestion de la restauration de leur périmètre.

La société a engagé différentes négociations avec les organisations syndicales et le 31 mai 2019 a conclu un accord collectif au niveau de l’UES au sujet notamment de la gestion de l’activité sociale et culturelle de restauration dans les différents établissements de l’UES et du budget devant y être consacré.

L’accord portait donc sur une prérogative relevant du monopole de gestion des activités sociales et culturelles  (ASC) des différents CSE, or ils n’avaient pas été consultés sur cet accord.

Deux comités d’établissement ainsi qu’un syndicat non signataire de l’accord ont engagé une action en nullité, considérant que cet accord entravait la gestion directe de l’activité de restauration et portait atteinte à l’autonomie des CSE dans leurs décisions de gestion des ASC.

Les juges du fonds les ont débouté motif qu’ils n’avaient pas qualité pour agir en nullité de l’accord collectif auquel ils n’étaient pas parties et qui avait été négocié par les organisations syndicales.

Le syndicat a également été débouté.

Saisie sur un pourvoi la Cour de cassation a confirmé l’analyse des juges du fond.

Elle a jugé au vu des dispositions portant sur les ASC celles-ci ne sont pas exclues du champ de la négociation collective et que l’employeur, à qui le comité social et économique choisit de déléguer une des ASC, et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise ont compétence pour négocier et conclure un accord collectif d’entreprise précisant les modalités d’exercice de la gestion de la restauration déléguée.

Elle approuve les premiers juges d’avoir souligné :

  • que l’accord litigieux ne remettait pas en cause la compétence exclusive des CSE d’établissement en matière de restauration puisqu’il s’inscrit dans le cadre de la délégation consentie à l’employeur.
  • que l’organisation de cette délégation est précisément définie dans l’accord collectif, les Comités d’établissement conservant leur mission de définition de la politique de restauration et de contrôle sur la gestion du délégataire, en relevant notamment que le comité national de restauration, était composé majoritairement de représentants des CSEE.

Enfin, l’arrêt d’appel relevait encore que si les CSE ont le monopole de la gestion des ASC, la signature d’un accord collectif relatif à la restauration n’est pas interdite à l’employeur que rien n’oblige à être délégataire.

(Cass soc 10 juillet 2024 n°22-19.675)

 

Une salariée de l’URSSAF Rhône-Alpes est déclarée inapte à son poste lors d’une visite de reprise, le médecin considérant que «  l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

La salariée a contesté devant le Conseil de prud’hommes cette mention relative à son impossibilité de reclassement.

L’employeur a alors invoqué une fin de non-recevoir considérant qu’en application de la lettre de l’article L 4624-7 du code du travail seuls peuvent être contesté les avis, propositions ou conclusions de nature médicale, la question du reclassement, n’entrant pas dans cette catégorie.

Les premiers juges ont rejeté sa fin de non-recevoir et il  a intenté un pouvoir.

La Cour de cassation a rejeté son pourvoi estimant que la mention relative à l’impossibilité du reclassement en raison de l’état de santé du salarié «  constitue une indication émise par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale ».

La demande de la salariée est donc parfaitement recevable, car elle entrait dans le champ du recours prévu par la loi.

(Cass. soc. 3 juillet 2024, n° 23-14.227)

La société Adecco avait sollicité le recours à un huissier sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin d’exécuter diverses mesures d’instruction contre l’une de ses anciennes salariée, embauchée par une société concurrente Flexeo, qu’elle suspectait de se livrer à des actes de concurrence déloyale.

L’article 145 du code de procédure civile permet, en effet, de solliciter du juge des référés ou sur requête, des mesures d’instruction « afin de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. ».

Il faut bien sûr exciper d’un motif légitime.

La société Flexeo et la salariée ont assigné la société Adecco devant le juge des référés, afin d’obtenir la rétractation de l’ordonnance.

Déboutées par les premiers juges, elles ont intenté un pourvoi au motif que seules sont autorisés les mesures d’instruction légalement admissibles et que la mesure ordonnée portait nécessairement une atteinte disproportionnée au secret des affaires et au respect de la vie privée.

En effet, l’huissier avait été autorisé à effectuer des recherches dans les fichiers informatiques de l’ancienne salariée, à partir de 45 mots-clés correspondant à des intérimaires de la société Adecco et à des clients majeurs de celles-ci.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant qu’en l’espèce, la mesure était limitée tant en ce qui concerne le périmètre de recherche des données, que géographiquement (domicile de l’ancienne salariée) et pour une période circonscrite.

Elle estime dans ces conditions que cette mesure était indispensable à la protection des droits de la partie qui l’a sollicité et ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée ou au secret des affaires.

(Cass. civ., 2e ch., 2 mai 2024, n°22-16.-469) 

Dans cette affaire, un salarié avait été classé en invalidité de catégorie I à compter du 1er janvier 2014 et percevait une pension d’invalidité.

Il a ensuite été placé en arrêt-maladie le 2 février 2017 et a demandé à ce que lui soit versé une rente invalidité auprès de l’organisme auquel son employeur avait souscrit un contrat de prévoyance, la société Apicil.

Cette demande a été refusée par Apicil, au motif que la souscription au contrat d’assurance prévoyance par l’employeur, le 5 mai 2014, était postérieure à la date du placement en invalidité.

Le 1er janvier 2018 le salarié a été classé en invalidité de catégorie II.

Il a saisi la juridiction prud’hommale le 15 janvier 2018 afin de voir condamner son employeur à l’indemniser du préjudice subi résultant de l’absence de perception de l’indemnité de prévoyance.

Les premiers juges ont condamné l’employeur qui a formé un pourvoi en cassation.

Il arguait qu’aux termes de l’article L. 4171 du Code du travail, le salarié disposait d’un délai de deux années pour intenter une action en justice et que son action était tardive.

Un argument qui ne tient pas pour la Cour de cassation, qui indique qu’il s’agit d’une action en responsabilité civile et non en exécution du contrat de travail, de sorte qu’il faut appliquer l’article 2224 du Code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilière se prescrivent par 5 ans.

Rappel : le délai de 5 ans commence ici encore à compter du jour où le titulaire de ce droit connaît ou devrait connaître les faits lui permettant de l’exercer.

(Cass. Soc. 26 juin 2024, n° 22-17.420)

La société GRD, filiale du groupe Nestlé Skin Health (NSH) a l’un de ses sites qui a fait l’objet d’une reconversion/fermeture dans le cadre d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Elle organise le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mixte avec plan de départ volontaire et licenciements contraints.

Son document unilatéral est homologué par décision du 11 avril 2018.

Dans ce contexte, vingt-six salariés ont signé une convention de rupture amiable pour motif économique, au cours des mois d’août et septembre 2018.

Ces salariés ont contesté le motif économique de leur contrat de travail devant le conseil de prud’hommes et ont obtenu gain de cause.

L’employeur a saisi la Cour de cassation, au motif que la rupture de leur contrat résultant d’un accord amiable conformément aux prévisions du PSE,  les salariés ne pouvaient plus la contester, sauf fraude ou vice du consentement.

Au visa des articles 1101 et 1103 du code civil et les articles L. 1221-1 et L. 1233-3 du code du travail, la Cour de cassation donne raison l’employeur et casse l’arrêt d’appel.

Les salariés partis volontairement ne peuvent donc pas remettre en cause la rupture d’un commun accord de leur contrat en attaquant le motif économique invoqué de l’employeur.

(Cass. soc. 26 juin 2024, n° 23-15498) 

Un joueur de rugby professionnel est engagé par la société Club Aviron bayonnais rugby pro selon un contrat de travail à durée déterminée pour 3 saisons sportives.

Il est prêté en tant que « joker médical » jusqu’à la fin de la 1ere saison à la société Montpellier Hérault rugby (le MHR) par convention tripartite, moyennant une rémunération mensuelle de 21 530,90 euros, d’une prime d’objectifs en cas de classement, d’une d’une prime de jeu, le remboursement des vacances de février 2017 et la prise en charge du logement du joueur.

A la fin de cette saison, le joueur a réintégré le club de Bayonne.

Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande à l’encontre du MHR en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de la requalification, de l’exécution et de la rupture du contrat.

Le MHR fait grief à l’arrêt de dire qu’il avait été lié au joueur par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 février 2017 considérant que la relation de travail entre le sportif professionnel salarié d’une société sportive (club d’origine) et la société sportive (club d’accueil) au sein de laquelle il est muté temporairement est régie par une convention tripartite sui generis dont les modalités sont prévues par convention ou accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.

En l’espèce, s’agissant d’un joueur de rugby professionnel, les règles prévoyaient cette mise à disposition sans qu’il ne soit besoin de conclure un contrat de travail.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au fondement de l’article L 222-2-3 du code du sport selon lequel tout contrat par lequel une association sportive ou une société en relevant s’assure moyennant rémunération le concours de l’un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée.

Il s’agit d’une règle d’ordre public à laquelle aucun règlement professionnel ne peut déroger.

Elle approuve donc les jours du fond  d’avoir constaté que le salarié justifiait d’un contrat de travail apparent en produisant des bulletins de paie, une attestation Pole Emploi et un certificat de travail établi par le MHR et que dès lors il s’agissait d’un contrat de travail, à durée déterminée, qui devait être requalifié en contrat à durée indéterminée, puisqu’il n’y avait pas d’écrit.

(Cass soc 19 juin 2024 n°22-18.022)

Par accord collectif du 7 mai 2019, la branche professionnelle des géomètres-experts, et experts fonciers a fusionné avec la branche des économistes de la construction et des métreurs pour créer la nouvelle branche professionnelle de la filière ingénierie de l’immobilier, l’aménagement et la construction, dite FIIAC.

Deux avenants à l’accord de fusion ont été signés le 18 décembre 2019, le premier modifiant l’article 8 de cet accord et le second relatif à la mise en place d’un régime de frais de santé.

Deux fédérations ont exercé leur droit d’opposition les 10, 14 et 15 janvier 2020.

Enfin, un invoquant la déloyauté de la négociation les 15 17 25 et 29 septembre 2020 la fédération CFTCA a saisi le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de ses avenants.

Les syndicats signataires on conclut à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.

Cette demande a été rejetée par le juge du fond qui a considérée que l’action était recevable et la Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi.

La Cour de cassation a censuré l’analyse des juges du fond, sur le fondement des articles L. 2262-14 et 2231-5-1 du code du travail.

Elle a rappelé que toute action en nullité doit être engagée à peine d’irrecevabilité dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l’accord pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise et à compter de la publication de l’accord dans tous les autres cas.

Aux termes du premier alinéa de l’article 2231-5-1  précité, les conventions accords de branches, d’entreprises et d’établissements sont rendus publiques et versés dans une base de données dont le contenu est publié en ligne.

Il résulte de ces textes que le délai de forclusion de 2 mois court à compter de la date à laquelle l’accord a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives, ce qui lui confère une date certaine.

La publication au sein de la base de données nationale n’est qu’une mesure complémentaire, sans effet sur les délais.

La Cour de cassation de censure donc les juges du fond qui ont considéré, d’une part, que seule la date certaine à retenir était celle de l’arrêté d’extension du ministère du Travail du 20 novembre 2020 et d’autre part, que l’accord n’aurait pas dû être déposé car il faisait l’objet de l’opposition de 3 syndicats représentant plus de 50% des voix.

Elle a jugé que l’absence éventuelle de validité de l’accord collectif est sans incidence sur le délai pour agir en nullité de cet accord et qu’en l’espèce les accords litigieux ayant été publiés le 1 février 2020, l’action en nullité formée le 15 septembre 2020 était tardive et donc irrecevable.

(Cass soc 26 juin 2024 n° 22-21.799)