La loi nº 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France prévoit que pour calculer l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un trader, le montant de la rémunération mensuelle prise en compte par le juge ne peut plus excéder celui du Pass (plafond annuel de la sécurité sociale), soit 46 368 € en 2024.

Cette limitation introduite à l’article L. 511-84-1 du Code monétaire et financier ne s’applique qu’aux licenciements prononcés à compter du 15 juin 2024.

Les personnes expressément visées par le texte sont les « salariés d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’une entreprise d’investissement ou d’une entreprise d’assurance ou de réassurance qui ont le pouvoir de prendre, d’approuver ou d’opposer leur veto à une décision portant sur des transactions du portefeuille de négociation ou qui dirigent directement un groupe de personnes ayant individuellement le pouvoir d’engager l’entreprise pour de telles transactions. ».

La loi élargit par ailleurs la liste des preneurs de risques ayant exercé dans un établissement de crédit ou une société de financement, pour lesquels certaines indemnités versées à l’occasion du licenciement sont calculées sans prendre en compte les bonus récupérables, c’est-à-dire la partie de la part variable de la rémunération dont le versement peut être réduit ou donner lieu à restitution en application de l’article L. 511-84 du Code monétaire et financier.

Le champ d’application de cette limitation est étendu, dès le 15 juin 2024, à de nouveaux membres du personnel : ceux exerçant des fonctions de direction dans le domaine des affaires publiques, de la solidité des politiques et procédures comptables, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ou des accords d’externalisation.

La chambre 2 du pôle social de la Cour de cassation a fait application de la jurisprudence de l’assemblée plénière du 23 décembre 2023 (n°20-20.648) sur la recevabilité de la preuve déloyale concernant la reconnaissance d’un accident du travail et d’une faute inexcusable.

Il s’agissait d’un salarié qui avait déclaré un accident du travail après une altercation avec son employeur qui l’avait physiquement agressé.

La CPAM avait reconnu l’accident du travail.

L’employeur a saisi le tribunal judiciaire demandant que la décision de la caisse lui soit déclarée inopposable et le salarié a, de son côté, réclamé la reconnaissance d’une faute inexcusable.

Afin de démontrer la réalité de l’altercation, le salarié avait produit un enregistrement sonore de celle-ci, effectué à l’insu de l’employeur et retranscrit par huissier.

L’employeur avait demandé à ce que cette preuve déloyale soit écartée des débats ce que la cour d’appel a refusé et a intenté un pourvoi.

Dans leur arrêt les hauts magistrats appliquent le raisonnement de l’assemblée plénière et ont vérifié que :

  • cette preuve ne portait pas une atteinte excessive au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les autres droits en présence ;
  • elle était indispensable car le salarié n’avait aucun autre moyen de démontrer les violences de l’employeur et que cette altercation avez bien eu lieu.

Ils en ont conclu que « la production de cette preuve était indispensable à l’exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l’accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci, et que l’atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d’établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l’employeur ».

Il est permis de se montrer dubitatif sur l’analyse des faits : l’altercation s’était déroulée dans un lieu ouvert, devant plusieurs personnes c’est-à-dire 3 collègues, ainsi qu’une cliente associée avec l’employeur au sein d’une autre société.

Fallait-il comme l’ont fait les premiers juges, considérer qu’en raison de leur lien de subordination avec l’employeur, la victime était en droit de douter de la possibilité d’utiliser leur témoignage ?

Il nous semble que s’est aller vite en besogne et qu’en présence de plusieurs témoins la Cour aurait du juger que la production d’un tel enregistrement illicite ne se justifiait pas, puisque la preuve de l’altercation pouvait être rapportée par des témoignages.

(Cass. civ. 2e, 6 juin 2024 n°22-11.736)

Aux termes d’une décision rendue le 29 mai 2024, la Cour de cassation rappelle que le droit d’intenter une action en justice constitue une liberté fondamentale.

Dans un arrêt du 29 mai 2024, elle a censuré les juges du fond d’avoir débouté un salarié de sa demande au titre de son licenciement pour faute grave, après avoir refusé l’offre qui lui avait été faite de rester en Allemagne dans le cadre d’un contrat local et de réintégrer la société sur un poste de responsable commercial en France.

En effet, les premiers juges avaient constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié « d’avoir persisté dans son refus et mieux encore d’avoir saisi le Conseil des prud’hommes d’une action en résiliation judiciaire. ».

Il en résultait que le licenciement était en lien avec l’action introduite par le salarié et dès lors était nul.

(Cass. soc. 29 mai 2024 n° 22-16.753)

Dans cette affaire, un salarié avait perçu une prime « exceptionnelle » chaque mois, pendant toute la durée d’exécution du contrat soit 4 années, sans jamais qu’elle n’ait été contractualisée.

Il se plaignait de la brutale diminution du montant de celle-ci et considérait que son versement régulier avait entraîné sa contractualisation, de sorte que l’employeur ne pouvait pas la modifier sans son accord.

En ayant ainsi agi, l’employeur avait commis une faute justifiant de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs.

Les premiers juges ont rejeté la demande du salarié en estimant qu’il ne justifiait pas de l’existence d’un usage général, fixe et constant.

La Cour de cassation a cassé la décision en reprochant à la cour d’appel de ne pas s’être placé sur le bon terrain juridique.

Elle a rendu son arrêt au visa de l’article L 1221-1 code du travail selon lequel le contrat de travail « est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter ».

Elle a donc reproché  à la Cour d’appel de n’avoir pas cherché « comme il le lui était demandé, si la prime versée régulièrement pendant plusieurs années consécutives, à concurrence d’une somme variante entre 900 et 1000€ ne constituait pas un élément de rémunération contractualisé de sorte que la réduction en deçà de ces montants nécessitait l’accord du salarié la cour d’appel à privé sa décision de base légale ».

La Cour de cassation suggère ainsi que cette contractualisation peut être issue d’un accord verbal et incite donc le juge du fond à le reconnaître comme tel.

(Cass. soc. 22 mai 2024, n° 23-10076)

Un salarié attaché commercial est licencié pour « dénigrement » de la société et de son directeur, devant les collaborateurs.

Il lui est reproché d’avoir critiqué la politique de structuration des équipes, remis en cause les décisions de répartition des portefeuilles clients et d’avoir affiché ouvertement son désaccord sur la décision du directeur concernant la fixation des objectifs d’une collègue.

Il saisit la juridiction prud’homale et les premiers juges considèrent le licenciement fondé. Ils ont, en effet, relevé que le salarié ne contestait pas les comportements et propos mentionnés dans la lettre de licenciement, corroborés par une attestation indiquant qu’il avait pour habitude de marquer son désaccord et de se mettre volontairement en opposition avec les décisions du groupe.

À tort selon la cour de cassation : les juges d’appel n’ont pas caractérisé « l’existence, par l’emploi de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, d’un abus dans la liberté d’expression dont se prévalait le salarié, et par conséquent l’existence d’un dénigrement de l’employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé. ».

Il sera fait observer que selon les dioctionnaires Larousse et le Robert, l’action de dénigrer consiste à s’efforcer de faire mépriser, noircir, dire du mal en niant les qualités.

Dès lors, c’est un degré nettement inférieur à l’injure et la diffamation excessive, mais cette distorsion ne semble pas gêner la cour de cassation…

(Cass. soc. 7-5-2024 n° 22-18.699)

Dans le cadre d’un lourd conflit entre organisations syndicales au sein d’Altran, la CGT rend public le bulletin de paye d’un salarié CFDT qu’elle a mis en cause.

Ce dernier se plaint d’une atteinte à sa vie privée et réclame des dommages et intérêts. Il est débouté au motif qu’il n’apporte « aucun élément de nature à établir que la communication, à des tiers, du montant de sa rémunération aurait eu un effet quelconque en termes de réputation, de carrière, d’image au sein de l’entreprise. »

À tort selon la cour de cassation qui confirme sa jurisprudence en la matière : « la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation. »

(Cass. soc. 20 mars 2024, n° 22-19.153 – 2e moyen du pourvoi)

La société Ikea a confié à un détective privé des enquêtes sur ses salariés, candidats à l’embauche, des clients ou prestataires. Ces pratiques ayant été révélées, ledit détective a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, outre 20 000 euros d’amende.

Il a relevé appel de cette décision au motif que ne constitue pas un traitement déloyal de données personnelles le fait de recenser des informations rendues publiques par voie de presse ou diffusées publiquement sur un réseau social (données en open source). Les juges d’appel ont confirmé la décision et sur pourvoi la chambre criminelle leur a donné raison.

En effet, ce détective avait effectué des recherches sur des données à caractère personnel telles qu’antécédents judiciaires, renseignements bancaires et téléphoniques, véhicules, propriétés, qualité de locataire ou de propriétaire, situation matrimoniale, santé, déplacements à l’étranger. Bien qu’issues de la capture et du recoupement d’informations diffusées sur des sites publics tels que sites web, annuaires, forums de discussion, réseaux sociaux, sites de presse régionale, elles ont fait l’objet d’une utilisation sans rapport avec l’objet de leur mise en ligne et ont été recueillies à l’insu des personnes concernées, privées du droit d’opposition institué par la loi informatique et libertés.

Dans ces conditions, le moyen de collecte de ces données doit être considéré comme déloyal. Le fait qu’elles aient été pour partie en accès libre sur internet ne retire rien au caractère déloyal de cette collecte qui – réalisée à des fins dévoyées de profilage des personnes concernées et d’investigation dans leur vie privée, à l’insu de celles-ci – ne pouvait s’effectuer sans qu’elles en soient informées.

(Cass crim 20 mars 2024,  n°23-80.962)

La Cour de cassation vient de rendre le 20 mars dernier un arrêt dans lequel elle a jugé qu’en cas de faute grave, la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir « dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire. ».

 En l’espèce le salarié cariste avait commis une première faute le 1er mars 2019, à l’origine d’un accident, puis une seconde le 22 mars 2019 qui l’avait impliqué dans un deuxième accident.

Alors qu’il était en arrêt en raison de cet accident, il a été convoqué à un entretien préalable le 29 mars et licencié le 6 mai suivant pour faute grave. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en invoquant l’absence de faute grave et la nullité du licenciement, notamment en raison du délai d’engagement de la procédure de sanction.

La Haute Cour donne raison aux juges du fond d’avoir prononcé cette nullité en considérant que « le délai entre la révélation des faits et la mise en œuvre de la procédure de licenciement, alors que le salarié était en arrêt de travail consécutivement à l’accident du travail du 22 mars 2019, enlevait tout caractère de gravité à la faute. ».

(Cass. soc. 20 mars 2024, n°23-13.876)

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste actuel, l’employeur est tenu de lui proposer un reclassement adapté à ses capacités.

Mais qu’advient-il si le salarié refuse ce reclassement ?

La réponse réside dans l’application précise des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail, qui stipulent qu’un employeur peut procéder au licenciement si le salarié refuse l’emploi proposé, à condition que cet emploi soit conforme aux préconisations du médecin du travail.

Cette obligation de reclassement est considérée comme satisfaite dès lors que l’employeur a fait une proposition loyale et sérieuse, tenant compte de l’avis du médecin du travail. Cependant, la jurisprudence récente apporte un nouvel éclairage.

Un arrêt du 13 mars 2024 de la Cour de cassation a confirmé que si l’employeur justifie du refus par le salarié d’un emploi proposé conformément aux indications du médecin du travail, le licenciement peut être considéré comme légitime.

Cette évolution souligne l’importance d’une communication claire entre l’employeur, le salarié et le médecin du travail pour garantir le respect des droits et obligations de chacun.

(Cass Soc. 13 mars 2024 n° 22-18.758)

Deux salariés de la compagnie Air France contestaient leur mise à pied disciplinaire, au motif que la procédure prévue au règlement intérieur n’avait pas été respectée. Les premiers juges avaient estimé que la consultation des représentants du personnel, prévue par le règlement intérieur, constituait une garantie de fond. Sa violation entachait la sanction disciplinaire de nullité.

À tort nous dit la Cour de cassation : « L’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire, prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d’une garantie de fond lorsqu’elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé en l’espèce une influence sur la décision finale de l’employeur ».

Il appartient donc aux juges du fond de vérifier ces deux points et de s’attacher aux conséquences de la violation.

(Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-17.292)