Dans une décision toute récente du 6 mars 2024, la Cour de cassation confirme la nullité du licenciement d’une salariée qui avait adressé des messages xénophobes à quelques collègues, messages considérés comme privés et ce, bien qu’échangés via la messagerie professionnelle.

La Cour estime que ces messages relèvent de la vie privée, que l’employeur en a pris connaissance par erreur et qu’il n’y a pas d’usage excessif de la messagerie professionnelle.

Il est permis de s’interroger sur la pertinence des arguments de la Cour de cassation relatifs à l’usage modéré de la messagerie professionnelle et au caractère privé de ces messages. Avec cette décision, il semble que la Cour fait de la vie privée (comme de la liberté d’expression) un totem interprété de manière maximaliste.

Les salariés peuvent ainsi s’opposer ouvertement à leur employeur ou envoyer des messages xénophobes avec les outils professionnels…. sans encourir la moindre réprobation. Il nous semble que ce type de décision n’est pas de nature à garantir le respect d’un fonctionnement collectif apaisé, indispensable en entreprise et, plus généralement du contrat social, déjà bien abîmé.

(Cass. soc., 6 mars 2024, n°22-11.016)

Aux termes d’une décision du 6 mars 2024 la Cour de cassation a jugé que l’accord modifiant le périmètre d’une UES ne constituait pas un accord interentreprises et qu’il fallait inviter à la négociation uniquement les syndicats représentatifs dans les entités de l’UES.

En l’espèce, le groupe CAPGEMINI, constitué en en UES et qui venait d’acquérir  un autre groupe, avait négocié l’extension de son UES à ce dernier, en invitant l’ensemble des syndicats représentatifs au niveau de son groupe et du groupe absorbé, en additionnant l’ensemble des suffrages obtenus au sein des 2 groupes.

Ce faisant, CAPGEMINI avait appliqué le régime des accords interentreprises ce qui avait eu pour conséquence d’écarter l’un de ses syndicats représentatif (avec 12,34% des suffrages), qui par le jeu des calculs, en tenant compte des résultats des élections au sein du groupe absorbé, n’obtenait que 8,73% des suffrages.

C’est une confirmation de la jurisprudence classique s’agissant de la négociation au sein d’une UES (Cass. soc., 10 novembre 2010, n° 09-60.451 et Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 13-12.71).

(Soc. 6 mars 2024, FS-BR, n° 22-13.672)

En application des dispositions des articles 2318- 8 et 2313- 9 du code du travail un accord collectif portant reconnaissance d’une UES mettant en place un CSE commun n’est pas un accord interentreprise il n’est pas possible délire des comités d’entreprise dans chaque entité juridique membre de l’UES, il ne permet pas plus de définir des garanties sociales interentreprises.

Dans ces conditions tous les syndicats représentatifs au sein des entités juridiques concernées par l’u s doivent être invités à la négociation sur la reconnaissance de celle-ci

(Cass soc 6 mars 2024 n° 22-13.672)

Aux termes d’une décision du 20 février 2024 la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le licenciement d’un salarié au motif qu’il avait envoyé des courriel au service des ressources humaines critiquant les méthodes de gestion de l’un des responsables de l’entreprise avait été prononcé en violation de la liberté d’expression telle que prévu à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.

Les juges nationaux saisie d’une demande en nullité du licenciement auraient dû examiner de manière approfondie les critiques du salarié et devait rechercher si le contenu de ce courriel avait engendré des désagréments sur le lieu de travail ou avaient eu un impact négatif sur l’entreprise.

Elle relevé à cet égard que le courriel n’avait pas été diffusé à l’extérieur et présentait des observations constructive à un petit nombre de personnes, elle en conclut que le licenciement est pris en violation de la liberté d’expression.

Elle en conclut que les autorités nationales :

  • n’ont pas tenu compte de tous les faits et facteurs pertinents dans les circonstances de l’espèce pour arriver à leur conclusion selon laquelle l’acte litigieux du requérant était de nature à perturber la paix et la tranquillité sur le lieu de travail de l’intéressé ;
  • n’ont pas cherché à évaluer notamment la capacité du courriel en cause à provoquer des conséquences dommageables sur le lieu de travail du requérant, compte tenu de sa teneur, du contexte professionnel dans lequel il s’inscrivait.

(CEDH 20 février 2024 Aff DEDE c. TÜRKİYE Requête n° 48340/20)

Dans une décision de rendue le 14 février dernier (22-18.014) la Cour de cassation considère que « la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation ».

En rejetant la demande du salarié qui reprochait à son employeur d’avoir utilisé son nom de famille et son image en 2012 et 2015 au motif qu’il ne produisait aucune pièce utile à l’appui de sa prétention, la cour d’appel a violé  l’article 9 du code civil relatif à la vie privée.

En effet, l’employeur reconnaissait avoir utilisé à deux reprises l’image du salarié – sans son accord – mais essayait de se disculper en arguant qu’il s’agissait d’une simple plaquette de présentation adressée aux clients, réalisée à partir de photographies individuelles du visage et du buste.

Cette position a été rejetée par les hauts magistrats, qui ont souligné que « le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation. ».

(Cass. soc.  14 février 2024 n°22-18.014)

Selon la Cour de cassation  les employeurs ne sont pas obligés d’organiser une visite médicale de reprise pour les salariés intérimaires si le contrat s’est terminé avant la reprise du travail.

Cette interprétation s’appuie sur les articles L. 1251-29 et R. 4624-31 du code du travail.

En l’espèce, un auxiliaire ambulancier, engagé pour une unique journée a été victime d’un accident de travail sans renouvellement de contrat par la suite.

Il reprochait à son employeur de ne pas avoir organisé de visite médicale et demandait qu’il soit condamné à la planifier sous astreinte.

Les juges du fond l’ont débouté et le pourvoi du salarié a été rejeté.

La Cour de cassation a considéré que : « nonobstant la suspension du contrat de mission pour cause d’accident du travail, si ce contrat arrive à échéance avant la fin de l’absence du salarié intérimaire, les dispositions de l’article R. 4624-22 du code du travail n’ont pas vocation à s’appliquer. ».

 A la date de reprise, l’entreprise de travail temporaire n’avait plus la qualité d’employeur.

(Cass. Soc. 7 février 2024, n° 22-16.961)

Une salariée à temps partiel soutenait que lorsque le recours à des heures complémentaires a porté sa durée du travail au niveau de la durée légale hebdomadaire, soit 35 heures, son contrat de travail devait, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Elle a été déboutée et a intenté un pourvoi.

Dans une décision salutaire, la Cour de cassation rejette le pourvoi et met fin à une analyse très problématique pour les entreprises ayant aménagé la durée du travail sur l’année notamment en cas de recours au temps partiel modulé.

Elle a estimé possible que le salarié travaille jusqu’à 35 heures certaines semaines. Il importe seulement que les heures complémentaires effectuées ne portent pas la durée de travail au niveau du seuil de la durée légale ou conventionnelle du travail, soit en l’espèce plus de 1600 heures, sur la période de référence, soit l’année.

(Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-17.696)

Même indemnisé et voulu par la salarié, il demeure illégal faute de remplir les conditions requises.

Aux termes d’une décision du 7 février 2024 (n°22-21.385) la Cour de cassation rappelle que le recours travail de nuit doit « prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs », en étant justifié « par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ».

Et ce, peu importe que la salariée n’ait pas relevé du statut de travailleur de nuit, que son salaire ait été majoré de 105% et qu’elle ait demandé à travailler de nuit afin que son activité soit compatible avec ses études.

Les heures effectuées exceptionnellement de nuit répondent aux mêmes conditions que le travail de nuit, tel que défini par le code du travail (C. Trav. art. L 3122-31).

(Cass. soc., 7 février 2024, n°22-18.940)

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

Une cour d’appel ne saurait donc pas débouter un salarié de sa demande en paiement d’un rappel de rémunération variable au titre de l’année 2016 au motif qu’elle est insuffisamment justifiée alors qu’il appartenait à l’employeur « de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour l’année 2016 avaient été atteints ».

(Cass. soc. 7 février 2024 n° 22-12.110)

Si un accord collectif n’est pas remis en cause dans le délai de 2 mois à l’issue de son dépôt ou de sa notification, il est toujours possible pour un salarié de s’y opposer dans le cadre de l’exception d’illégalité, sans aucune condition de délai.

Peu importe que sur le fond, l’accord soit parfaitement valable.

Dans cette affaire, le salarié avait soulevé l’illégalité de l’accord d’entreprise sur la durée du travail, au motif que les délégués syndicaux signataires n’avaient plus de mandat, car ils n’avaient pas été redésignés par leurs syndicats à l’issue des dernières élections professionnelles.

À raison selon la Cour de cassation : me salarié peut soulever des points relatifs au fond du droit mais aussi concernant la validité formelle de l’accord et notamment, la qualité des signataires.

Il est précisé que la Cour n’a pas tranché la question de la possibilité pour une organisation syndicale ayant participé aux négociations mais sans signer l’accord, d’invoquer par la voie de l’exception d’illégalité les conditions de négociation.

(Cass. soc. 31 janvier 2024 n°22-11.770)