Discrimination, production de documents ordonnée par le juge et données personnelles : comment respecter le RGPD ?

Il y a deux enseignements importants à tirer de cet arrêt du 3 octobre 2024.

⚠️En premier lieu, le RGPD s’applique à la production de documents concernant des tiers et contenant des données personnelle. Il s’agit d’un traitement de données qui doit reposer sur une base juridique, notamment les articles 6 et 23 du RGPD. La licéité d’un tel traitement repose sur les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail prohibant les discriminations, ainsi que les articles 6 et 8 de la CEDH, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et les principes du droit à la preuve.

⚠️En second lieu, la Cour de cassation exige que le juge veille au respect du principe de minimisation des données posé par la jurisprudence communautaire (CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21, Norra Stockholm Bygg).

Elle donne le mode d’emploi à respecter et impose au juge de suivre les 6 étapes suivantes :

1. rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi ; 2. vérifier si les éléments demandés sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés ;

3. vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi ;

4. cantonner, au besoin d’office, le périmètre de la production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués et de la nature des pièces sollicitées ;

5. veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant l’occultation des données non indispensables à l’exercice du droit à la preuve : il faudra s’assurer que les mentions apparentes sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés, en tenant compte du motif de discrimination invoqué ;

6. enjoindre aux parties de n’utiliser ces éléments qu’aux seules fins de l’action en discrimination.

Le salarié ne pourra donc pas solliciter une production de pièces extensives lui permettant « d’aller à la pêche » comme c’est trop souvent le cas et l’employeur disposera de moyens pour veiller au bien fondé de la demande et la circonscrire.

(Cass. civ 2e, 3 octobre 2024 n° 21-20.979)

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