Discriminations : l’homme est une femme comme les autres
Un salarié steward au sein de la compagnie Air France se présente, lors de sa prise de poste, coiffé de tresses africaines nouées en chignon.
L’embarquement lui est refusé au motif que sa coiffure n’est pas autorisée par le « Manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin » qui prévoit: «Les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. ».
Pendant plusieurs années le salarié porte une perruque pour exécuter ses missions. Il considère être victime d’une discrimination et saisit en 2012 la juridiction prud’homale afin d’être indemnisé.
Les juges du fond le déboutent, soulignant que le manuel précité « n’instaure aucune différence entre les cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l’origine des salariés. » Seule sa coiffure était reprochée au salarié « ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux ».
Ils se réfèrent, en outre, aux « codes en usage » soit « la différence d’apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes », ainsi qu’à « la volonté de la compagnie de sauvegarder son image (…) cause valable de limitation de la libre apparence des salariés. ».
Le salarié intente alors un pourvoi et, aux termes d’une décision du 23 novembre 2022 publiée au bulletin, qui a fait l’objet d’un communiqué de presse, la Cour de cassation casse la décision des juges d’appels.
En l’espèce, les hauts magistrats reprochent aux juges d’appel de s’être fondés sur la nécessité de permettre l’identification du personnel de la société et de préserver l’image de celle-ci, puisque seul l’uniforme permet cette identification.
En outre, ils rejettent le critère tiré de la perception sociale de l’apparence physique des genres masculins et féminins.
Ils rappellent que si une différence de traitement « peut être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnée au but recherché. », cette notion d’exigence doit être « objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle (…) ».
Selon la Cour, l’interdiction faite aux salariés de porter une coiffure autorisée pour le personnel féminin caractérise une discrimination directement fondée sur l’apparence physique, en lien avec le sexe.
Et surtout, elle estime qu’il n’est pas possible de refuser à un homme ce qui est autorisé à une femme car « la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement ».
In fine, sur le lieu de travail, chacun est libre de se donner l’apparence qui lui convient, quitte à bousculer les codes sociaux classiques relatifs au genre.