Gérer l’absurdie : arrêts maladie et congés payés en pratique
Dans une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2023, sur le fondement de la directive n°2003/8/CE du 4 novembre 2003 et de la charte des droits fondamentaux, la Cour de cassation a jugé que tout salarié en arrêt de travail (qu’il soit professionnel ou non) doit bénéficier de congés payés de la même manière que s’il travaillait. (Cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342, n°22-17.638, n°22-10.529)
Toute période d’arrêt de travail doit être prise en compte pour le calcul des droits à congés payés et s’agissant des arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle, le plafond d’un an fixé par l’article L 3141-5, 5°du Code du travail est écarté.
1.Quels contours au droit d’acquisition ?
Sont accordés :
- 5 semaines de congés payés (même si le droit de l’union ne prévoit que 4 semaines) ;
- tout congé complémentaire prévu aux termes de la convention collective ou par accord ou usages d’entreprise (notamment en matière de jours liés à l’ancienneté) à condition qu’ils soient de la même nature que le congé payé annuel.
Sont exclus :
- les jours de fractionnement ;
- les congés de toute autre nature.
Cette jurisprudence concerne :
- tous les salariés de l’entreprise, quelle que soit la nature de leur contrat ;
- tous les arrêts maladie, y compris ceux ne donnant pas droit à indemnité journalière de sécurité sociale ainsi que ceux pris en charge par la prévoyance.
Ces règles s’appliquent à compter du prononcé des arrêts, avec effet immédiat et de manière rétroactive.
2. Quelle prescription ?
En principe la prescription est de 3 ans.
Mais la Cour de cassation a fixé le point de départ de cette prescription au moment où l’employeur a mis en mesure le salarié de prendre ses congés payés, c’est-à-dire a effectué les « diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer son droit à congés».
Ce dont il doit pouvoir justifier.
En pratique, cela revient donc à ne fixer aucune limite temporelle à la réclamation du salarié.
Il est donc conseillé de mettre en mesure les salariés de retour d’arrêt maladie ou en arrêt de prendre leurs congés payés en les informant de leurs droits et en leur rappelant la période de prise des congés.
3. Régulariser tout de suite ou attendre ?
Quelle attitude choisir entre une régularisation immédiate des salariés en cours d’arrêt maladie, et ceux sortis récemment. Doit-on attendre la saisine du Conseil de prud’hommes ?
Selon nous, il convient de s’attacher d’abord aux salariés dans les effectifs et de :
- procéder à un audit, en provisionner les montants en jeu ;
- programmer le logiciel de paie pour comptabiliser ces congés ;
- régulariser la situation des salariés en cours ou de retour d’arrêt maladie.
Pour les salariés sortis des effectifs, il sera toujours temps de régulariser au fur et à mesure des réclamations formulées par les salariés.
Concernant les contentieux en cours, autant prendre les devants et payer l’indemnité correspondant aux congés acquis.
Il est conseillé d’engager des négociations pour définir avec les partenaires sociaux de nouvelles règles encadrant ce revirement de jurisprudence, et notamment les modalités de prise des congés et les limites qui pourraient être imposées à cette acquisition, au-delà des lesquelles le droit le droit au congé annuel s’éteindrait (par exemple 15 mois).
Toutefois, ces dispositions ne s’appliqueront que pour l’avenir.