Le temps de trajet des salariés itinérants peut être du temps de travail effectif
La Cour de cassation s’aligne sur la CJUE et accepte de tenir compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif (Ass. Plen., 23 novembre 2022 n°20-21.924 et note explicative).
Dans cette affaire, un salarié technico-commercial itinérant devait intervenir sur 7 départements du «Grand Ouest» éloignés de son domicile et était parfois contraint à ne pas pouvoir rentrer chez lui le soir.
Il réclamait des rappels d’heures supplémentaires, outre l’indemnité pour travail dissimulé, le tout au titre des déplacements qu’il effectuait pour se rendre sur les lieux d’exécution de son contrat de travail et les premiers juges font droit à sa demande.
L’employeur intente un pourvoi qui est rejeté.
Avec cet arrêt, la Cour se met au diapason de la jurisprudence de la CJUE interprétant la directive européenne du 4 novembre 2003 (CJUE 10 sept. 2015 aff C-266/14, 9 mars 2021 aff C-344/19 et C-580/19).
Elle souligne que les notion de temps de travail et de repos sont «des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives », selon une interprétation « autonome », en raison de la nécessité de permettre à la directive d’avoir un effet utile. les Etats membres ne peuvent venir y apporter des restrictions.
L’assemblée plénière considère qu’il « y a donc lieu de juger désormais que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif (…), ils ne relèvent pas du champ d’application de l’article L.3121-4 du Code ».
Si tel est le cas, c’est-à-dire si pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, ce temps de trajet devra être considéré comme du temps de travail effectif.
Dans le cas contraire, le salarié itinérant ne pourra prétendre qu’à la contrepartie financière ou sous forme de repos prévue par l’article L.3121-4 précité, lorsqu’il dépasse le temps « normal » de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.
En l’espèce, la Haute Cour a confirmé la décision d’appel car, en l’espèce, le salarié devait « en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs », de sorte qu’il « devait se tenir à la disposition de son employeur ».
Il s’agit finalement d’en revenir à la définition du temps de travail effectif, telle que prévue par l’article L.3121-1 du Code du travail : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».