Messagerie professionnelle : vous pouvez-vous montrer sexiste, xénophobe ou grossier, c’est privé !
Un salarié directeur général de la vente et du marketing, au statut de cadre dirigeant, est licencié pour faute grave en raison de propos échangés lors d’une conversation via sa messagerie professionnelle avec 3 personnes, dans un cadre privé.
Le salarié a contesté son licenciement et obtenu devant le juge du fond la nullité de celui-ci en raison d’une atteinte à la liberté d’expression, les mail étant de nature privée et ne comportant aucun contenu excessif, diffamatoire, injurieux ou stigmatisant, nonobstant leur « caractère vulgaire ».
L’entreprise a intenté un pourvoi, sur le fondement de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article L .1221-1 du code du travail.
Elle faisait valoir que l’employeur peut apporter des restrictions à la liberté d’expression lorsqu’elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées aux buts recherchés.
S’agissant d’un cadre dirigeant qui avait adressé via sa messagerie professionnelle des propos et des images au contenu stigmatisant et attentatoires à la dignité de la femme à l’un de ses subordonnés, la sanction était justifiée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, en se fondant sur l’atteinte à la vie privée.
Elle rappelle, au visa articles 8 de la convention européenne des droits de l’homme, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail, que le salarié à droit au respect de l’intimité de sa vie privée, même au temps et au lieu de travail.
L’employeur ne peut, sans violer cette liberté fondamentale, sanctionner le contenu de messages personnels émis avec la boite professionnelle.
En outre, il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire « le caractère illicite du motif du licenciement fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, en violation du droit au respect de l’intimité de sa vie privée, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. ».
La conversation sanctionnée n’étant pas destinée à être rendue publique et ne constituant pas un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail, le licenciement disciplinaire pour ce motif est atteint de nullité, en raison de la violation du droit au respect de l’intimité de la vie privée.
Avant de licencier un salarié en raison du contenu des mails sur sa boîte professionnelle il faut absolument vérifier :
1. si ces mails sont identifiés comme privés et
2. s’ils ne le sont pas, si leur contenu ne permet pas d’en déduire ce caractère privé.
Cette décision rappelle celle de l’annulation du licenciement d’une salariée d’une caisse primaire d’assurance maladie ayant tenu des propos racistes et xénophobes sur sa boîte mail professionnelle, ces échanges ayant également été considérés comme privés (Cass. soc. 6 mars 2024, n°22-11.016).
(Cass. soc., 25 sept. 2024, n°23-11.860)