Preuve déloyale : recevabilité et application en matière de sécurité sociale

La chambre 2 du pôle social de la Cour de cassation a fait application de la jurisprudence de l’assemblée plénière du 23 décembre 2023 (n°20-20.648) sur la recevabilité de la preuve déloyale concernant la reconnaissance d’un accident du travail et d’une faute inexcusable.

Il s’agissait d’un salarié qui avait déclaré un accident du travail après une altercation avec son employeur qui l’avait physiquement agressé.

La CPAM avait reconnu l’accident du travail.

L’employeur a saisi le tribunal judiciaire demandant que la décision de la caisse lui soit déclarée inopposable et le salarié a, de son côté, réclamé la reconnaissance d’une faute inexcusable.

Afin de démontrer la réalité de l’altercation, le salarié avait produit un enregistrement sonore de celle-ci, effectué à l’insu de l’employeur et retranscrit par huissier.

L’employeur avait demandé à ce que cette preuve déloyale soit écartée des débats ce que la cour d’appel a refusé et a intenté un pourvoi.

Dans leur arrêt les hauts magistrats appliquent le raisonnement de l’assemblée plénière et ont vérifié que :

  • cette preuve ne portait pas une atteinte excessive au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les autres droits en présence ;
  • elle était indispensable car le salarié n’avait aucun autre moyen de démontrer les violences de l’employeur et que cette altercation avez bien eu lieu.

Ils en ont conclu que « la production de cette preuve était indispensable à l’exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l’accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci, et que l’atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d’établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l’employeur ».

Il est permis de se montrer dubitatif sur l’analyse des faits : l’altercation s’était déroulée dans un lieu ouvert, devant plusieurs personnes c’est-à-dire 3 collègues, ainsi qu’une cliente associée avec l’employeur au sein d’une autre société.

Fallait-il comme l’ont fait les premiers juges, considérer qu’en raison de leur lien de subordination avec l’employeur, la victime était en droit de douter de la possibilité d’utiliser leur témoignage ?

Il nous semble que s’est aller vite en besogne et qu’en présence de plusieurs témoins la Cour aurait du juger que la production d’un tel enregistrement illicite ne se justifiait pas, puisque la preuve de l’altercation pouvait être rapportée par des témoignages.

(Cass. civ. 2e, 6 juin 2024 n°22-11.736)